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"Canachronisme"

 

                        Ma chère cousine, ma chère Elisabeth,

               Il faut que je te parle des péripéties de nos dernières pérégrinations. Nous avons été invités, Jésus et moi, ainsi que ses fans, à un mariage. Un grand et beau mariage, une véritable partie. Les noces d'un certain gros bonnet de la haute sociaty italienne. Son nom te dira sûrement quelque chose : Véronèse je crois, à moins que ce ne fut celles de Cana ? J'avoue ma confusion après tout ce bon vin que l'on m'a servi généreusement. Pourtant, dans mes souvenirs, Cana est un joli petit village de Galilée entouré de roseaux, un bled de part chez nous quoi. Les mariés assis bien loin de nous, au bout de cette longue tablée en "U" portaient des vêtements étrange mais joli joli, ils brillaient beaucoup. 

                     Il me reste une sensation très étrange à l'évocation de cette journée. Je dois te décrire ce lieux incroyable. Installés dans une sorte de patio, entre deux palais de marbre rose et blanc, les voisins, les passants, et même Dieu du haut de ce ciel bleu parsemé de nuages pouvaient nous voir quand soudain j'ai vu passer les oies sauvages. Elles s'en allaient vers le midi, vers la méditerranée. Je regardais le bleu du ciel, j'étais bien et pan ! Une crotte a atterri droit dans le verre d'un homme debout près des musiciens ! Il a bu cul sec et j'ai ri, mais ri ! 

                        Je te confesse que je me suis bien amusée. J'allais de surprise en surprise, d'émerveillement en enchantement. Des musiciens tenaient amoureusement entre leurs jambes des instruments singuliers d'où sortaient des sons envoûtants. Un si petit chien trottinait sur la table en tortillant du fessier pour quémander sa nourriture. D'un convive à l'autre, le chien acceptait, rechignait, ou bataillait comme un lion une miette de viande. Certains hommes (des Evêques selon eux) vinrent nous présenter leurs hommages. Mais pourquoi donc ? Cousine, je me le demande bien, car je ne les connais ni d'Adam ni d'Eve ! As-tu donc déjà entendu ce mot ? Evêque ! J'en suis restée muette ! Avec le recul, ils semblaient eux aussi surpris, comme s'ils avaient vu des fantômes ! Plusieurs ont levé les yeux au ciel en s'écriant "Seigneur ! Ayez pitié de nous !", d'autres se sont mis à genoux, becotant les pieds de mon pauvre enfant. Je n'ose imaginer ce que le père du petit a bien pu penser de tout çà ... 

                      Le banquet fut excellent, oui vraiment, les desserts sucrés à souhait, une merveille ! Mais quel dommage, les mariés n'avaient pas prévu assez de vin pour finir le repas ! je me suis alors tournée vers jésus et lui demandai ceci :

"Mon chéri, mon fils, mon tout petit, ne devrais-tu pas intervenir ?

-Mon heure n'est pas encore venue, Mère." A-t-il dit. Tu sais Elisabeth comme il peut être parfois : énigmatique, mystérieux... Passons ! Il s'est ravisé car j'ai vu l'un des serviteurs faire couler le vin de nouveau dans les pichets d'or. Et quel bon vin !  Pas  la vinasse du bled ! 

                       Au fil des heures, j'ai levé la coupe un bon nombre de fois ! Je devais avoir trop bu car je me suis mise à parler comme une bonne mère juive à son fils, tu me connais hein, quand je me laisse aller à ma nature.

"Mon fils, regarde moi ! Je suis là à tes côtés. Ce n'est pas parce qu'une auréole divine scintille au dessus de ta belle trombine que tu dois m'ignorer ! 

- Mère ! ... Je me sens investi d'une tâche très lourde...

- Ce n'est qu'une tache de vin, mon fils, il faut mettre un peu de sel, et voilà, ça partira très bien au lavage, tout le monde aura oublier comme tu peux être maladroit parfois !" Me croiras-tu si je te dis qu'il a ri ?

 

                           Chère Cousine, je te laisse à présent sur quelques nouvelles de ton fils Jean. Il va très bien. Si bien qu'il n'a pu s'empêcher de plonger toutes les personnes qu'ils croisaient dans les nombreux canaux de cette ville ! A Dieu ! 

Les Noces de Cana (Véronèse)

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