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~ Mémoires d'outre Monde ~

2ième chapitre (début)

 

 

~ Récits de mes ancêtres par Lenwë Cuthalion ~

 

Il y avait la brume, épaisse, blanche, impénétrable. Il y avait des cris, des voix d’hommes hurlant des ordres. Et des cris encore. Une jument blanche galopait à vive allure, fuyant le tumulte de la guerre, piaffant de colère en martelant la terre. Soufflant de ses naseaux des volutes humides de bruine, l’équidé cherchait le répit en s’évadant du tumulte des canons, tambourinement macabre annonciateur de morts. La jument avait perdu son cavalier depuis longtemps, soldat officiel  de Philippe VI, et parcourait la distance qui la séparait du front à l’inverse, cherchant du regard le seul qu’elle avait déjà laissé monter sur son dos. Elle entendit le hurlement d’un loup dans le brouillard qui se dissipait avec le vent. Un vent du large se levait emportant des milliers de gouttelettes, balayant des milliers d’âmes. Elle suivit l’appel du loup, effarée par l’horreur de l’affrontement dont elle venait de réchapper. Avec elle des hommes s’enfuyaient du champ de bataille, et d’autres arrivaient en renfort, cela courait dans tous les sens.

 

Personne n’essaya de la stopper tant elle paraissait effrayée et déterminée. Enfin, elle vit le loup qui la guettait au pied d’un grand mur de pierre, à couvert. Un homme, son homme, grand et large d’épaules, crispait les mâchoires pour ne pas hurler son nom à tous vents. Il ne voulait pas se séparer d’elle, à Terre, elle était l’incarnation de son amour, la mère de sa toute petite fille. Au-delà, elle était une Déesse sur le point de disparaître dans le cœur des Hommes. Elle cabra devant lui, secouant la tête, agitant sa belle encolure, crinière blonde qu’il s’empressa de caresser. La jument porta son museau sur le nourrisson qu’il portait en bandoulière, se calmant aussitôt. Souplement, le jeune homme aux cheveux bouclés s’installa sur son dos, prenant soin de l’enfant. L’étrange couple partit précipitamment vers un bois se profilant dans le lointain, le loup sur ses talons, laissant derrière eux l’ineffable boucherie.

 

A la nuit, ayant parcouru dix lieues, au sommet d’une colline couverte d’arbres, ils s’arrêtèrent à l’abri des regards indiscrets. Le Loup continua sa ronde alentour tandis que l’homme descendu de la jument prenait dans ses mains le bébé. Dans le crépuscule du sous-bois, l’équidé reconquit sa silhouette féminine, Déesse aux longs cheveux blonds, aux yeux d’un noir de jais, intensément sombre. Elle revêtit une longue robe noire s’avançant vers son amant qui tenait tendrement leur enfant dans ses bras, petite fille divine Elberethane. Elle la prit et se mit en demeure de la nourrir puisqu’en elle vivait une part d’humanité.

 

 

......

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