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Nous allions peut-être rencontrer pour la première fois le légendaire Cacaosaurus ? Demain peut-être, car ce soir était à marquer d'une croix noire sur le carnet de bord de notre périple. Demain peut-être ? Il nous manquait un homme. Nous avions perdu du matériel. Et pour finir, il se mettait à tomber des trombes d'eau, annonciatrices d'une mousson précoce. Les traces allaient s'effacer. Nous allions les perdre après tant d'efforts, de sacrifices.

 

Pris d'un grand désespoir, mes jambes se déplacèrent sans contrôle vers un semblant de coin repas. Mes bras et mes mains allèrent farfouiller dans un sac que mes yeux avaient repéré à l'insu de mon esprit. Pour avoir assisté à l'élaboration du garde-manger de notre expédition mon cerveau avait enregistré la présence de douceur dans les besaces, bien que ma raison avait tenté d’en effacer le souvenir. Mes doigts agrippèrent l'enveloppe des sucreries, s'en saisirent promptement pour  enfourner  leur contenu dans ma bouche. Dieu que c'est bon !  Pourtant, un sentiment de culpabilité m'envahit aussitôt. Mon geste irréfléchi allait compromettre bien plus encore que toutes les inondations de la terre notre périple si dangereux. Mon corps alla se faire tout petit dans un coin de la grotte.

 

On s'était endormis vaille que peu, remuant, sursautant ou ronflant dans son sommeil. A l'aube, l'appel de notre guide confirma l'absence d'un des nôtres. Nous eûmes une minute de silence pour sa disparition tragique. Puis, mécaniquement, nous pliâmes les sacs de couchages, recouvrîmes le feu de cendres et d'eau de pluie récoltée dans un mug de notre trousseau de vaisselle ultra légère. On s'affairait à tout ranger pour repartir sur les sentiers quand quelqu'un s'exclama : «  Le chocolat ! Il n'y a plus de chocolat !!! Â»

 

Mes joues s'enflammèrent d'une honte incommensurable, tandis qu'un autre continuait : « A quoi bon continuer ! Sans chocolat nous n'avons plus aucun espoir de voir le Cacaosaurus ! Â»

 

Une chape de renoncement s'abattit sur toute la troupe. Une résignation sans reddition proliféra de l'un à l'autre, pliant les genoux, tombant les culs aux sols, sans plus de force pour se relever, tels des haltérophiles écrasés sous le poids insupportable de leurs barres. L'expédition allait s'arrêter là, s'évanouir par la faute de ma gloutonnerie irraisonnée.

 

 

Adieu Cacaosaurus. Nous ne saurons jamais de quoi est fait cet animal, cet herbivore, brouteur de cacao.

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