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~ A la recherche du Cacaosaurus ~

 

 

 

 

Nous étions une bonne petite troupe, et nous marchions depuis maintes lunes pleines. Nous avancions prudemment sur des sentiers à peine formés, ou suivant notre guide en franchissant une végétation abondante. L’hostilité des lieux nous donnait parfois envie de rebrousser chemin, mais nous étions tenus par notre curiosité, le désir ardent de rencontrer les extraordinaires, incroyables, fabuleux et fantastiques Cacaosaurus. 

 

                                                                    

Toujours devant, ouvrant le chemin à grands coups de machette, une femme d’une grande sagacité. Ses cheveux longs ramassés en un chignon brun sous un chapeau à large bord ; le regard franc, parfois dur ; les traits du visage fins malgré la rudesse de son emploi ; le corps musclé d’une athlète habituée à courir les forêts, recouverte d’habits adaptés au climat et à la faune que nous rencontrions, tel était notre lampion,  capitaine, bergère, pilote ou cicérone ! Grâce à elle, nous progressions tant bien que mal sur la piste des empreintes de nos mystérieux grignoteurs. Des animaux aussi rustiques, nous n’en avions pas trouvés depuis la nuit des temps, alors tous les spécialistes de notre groupe étaient surexcités de pouvoir mettre la main dessus.

Impossible de prendre des montures qu'elles soient équines ou motorisées dans cette jungle dense. Seules nos jambes pouvaient nous mener vers une rencontre inespérée.

 

Nous avions tous un rôle attitré dans notre groupe, une tâche bien particulière à accomplir. Chaque soir, à l'arrivée au bivouac, nous étions deux à quérir l'eau à la source, ou la rivière avoisinante. A deux toujours nous nous déplacions car les risques étaient grands de finir dans l'estomac d'un prédateur, allant toujours armés d'un fusil et d'une lame. Nos seaux  pleins faisaient le bonheur de toute l'équipe. Nous pouvions boire, manger, nous laver, nous rafraîchir. Après avoir été chercher l'eau, nous aidions les monteurs de tentes à finir leurs installations, planter un piquet, tendre la toile, souffler sur les braises pour attiser le feu, transformer la farine en sorte de petits pains délicieux. Nous avions toujours à cÅ“ur d'établir une bonne ambiance dans notre campement. Tout le monde y participait, il n'y avait vraiment pas de mésentente au sein de l'expédition.

 

La chaleur s'invitait tout autant les nuits que le jour. Bien que l'absence du soleil la nuit faisait baisser un tout petit peu la température, la moiteur nocturne rendait notre repos de plus en plus difficile. Nous étions souvent mis à rude épreuve lorsque le rugissement, ou le barrissement d'un animal nous secouait de nos songes brutalement. Force de constater qu'il nous fallait être sur nos gardes. Toutes les deux heures, il avait été entendu  qu'un binôme surveillerait le sommeil des autres. Les yeux grands ouverts sur la noirceur des alentours, les sens en éveil. Après trois semaines à pister ces animaux mystérieux, nous n'avions aucun incident à déplorer ; que des bobos mineurs, dus à l'inhabituelle errance dont devaient faire preuve nos pieds.

 

Il arriva pourtant un jour ce qu'il devait arriver. Nous étions en pleine recherche d'un bon emplacement pour passer la nuit. Pas trop loin de la mare que nous venions de passer, ni trop près afin d'éviter d'attirer à nous tous les carnivores allant s'y abreuver.

 

Une grande panique nous fit partir dans tous les sens. Le grognement tel un grondement de tonnerre, était si puissant, si tonitruant, si près de nos oreilles, se répercutant sur des  parois rocheuses, nous fuyâmes sans savoir où aller. Nous ne pouvions contenir nos cris de peur. Nous étions tous terrorisés, à l'exception de notre guide. Elle appelait au calme d'une voix forte, au rassemblement vers la falaise qui se dressait devant nous. L'invisibilité de notre assaillant le rendait encore plus effroyable. Dans l'effarement, nous égarâmes quelques sacs. Mais, qui sait si ce n'est pas cela qui retarda l'attaque du monstre, intrigué par nos affaires réparties çà et là dans les hautes herbes, nous permettant de rallier l'intrépide  guide qui brandissait son fusil en l'air, à l’affût du danger imminent. Elle avait le dos collé à la roche, juste à l'entrée d'une grotte, nous faisant le signe d'y entrer à chacun de nos arrivages  intempestifs.

 

Nous finîmes par nous retrouver dans ce trou creusé par les eaux dans la falaise. Il n'était pas très grand, ni très profond, ni trop obscur. Il avait l'avantage d'être très sécurisant. Nos cÅ“urs pouvaient de nouveau battre plus sereinement. Bien qu'une énorme déflagration provenant du dehors nous fit tous sursauter. Notre guide avait tiré ! L'animal ou quoi que ce soit de grondement avait dû lui apparaître. Elle avait laissé échapper  une salve de plomb sur la menace, puis avait franchi le porche de notre abri, les traits du visage tendus et déterminés.

 

« J'ai visé l’œil ! Â» Nous informa-t-elle. « Il se peut qu'il batte en retraite comme il se peut qu'il  devienne encore plus hargneux ! Ne sortez pas d'ici ! Â»

 

Nous nous installâmes dans une torpeur toute relative, assaillis par les grognements de la bête, de moins en moins audibles. Nous essayâmes d'organiser un semblant de campement. Le coin repas vers l'entrée pour évacuer les fumées. Les matelas au fond de cette grotte sans issue, ni cheminée. Certains tentaient de se détendre après tant d'émotion, s'entraidant pour panser leurs petites plaies attrapées pendant cette course folle à travers les branches des arbres aux grandes feuilles vertes effilées, coupantes comme des lames de rasoir.

 

Nous n'avions pas d'eau à aller chercher ce soir-là. D'autant que notre équipe de puiseurs s'était réduite à une personne. Mon binôme n'avait pas réussi à rejoindre notre refuge. Sa disparation était unique, inquiétant énormément notre guide. Elle scrutait constamment au dehors, dans l'espoir de le voir surgir à tout moment. Tout en restant fidèle à son poste de guetteur, elle lançait des paroles rassurantes aux porteurs encore terrifiés, discutant de l'éventualité d'une telle rencontre avec les paléontologues. Les animaux de proies de cette espèce étaient rares. Nous n'avions pas eu de chance, selon eux. Ou bien, le mastodonte avait été attiré par un troupeau d'herbivores paissant dans le secteur.

 

 

«  C’est bon signe ! Â» Déclara un des scientifiques.

                                                                     

 

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